vendredi 8 octobre 2010

Hall de gare

Ils sont plusieurs à déambuler dans cet espace clos. Ils sont plusieurs, mais ils ne se voient pas. Parfois lorsqu'ils s'effleurent, ou se bousculent, on peut lire une émotion sur leur visage creusé. Surprise, colère, joie, tristesse. Mais le contact est bref et ne va jamais plus loin. Ils ne sont pourtant pas aveugles, et chacun d'eux peut contempler ce bâtiment étrange qui les tient prisonniers.
C'est un hall de gare fait de vieilles pierres poreuses. Les panneaux d'affichage renouvellent régulièrement les informations en de bruyants cliquetis de mécanique qui se déroule. Le sol alterne des carreaux blancs et noirs qui forment des motifs abstraits, et la lumière qui filtre à travers les hautes fenêtres semble quadriller l'air pour mieux le partager. Aucun d'eux ne sait depuis combien de temps il est enfermé ici, la lumière est toujours la même. Les destinations qui s'affichent à intervalles réguliers sur les grands tableaux noirs leur sont toujours inconnues. Et les horaires semblent d'un autre temps.
Et puis quelle importance ? Aucun train n'est jamais arrivé, ou parti. Et l'accès aux quais est impossible. D'ailleurs toute sortie est impossible. Comment voulez-vous sortir d'un lieu dont vous ne savez comment vous y êtes entré ? Certains ont bien essayé, et ont escaladé jusqu'aux fenêtres. Mais celles-ci ne s'ouvrent pas. Ni ne se cassent. Même en frappant de toutes leurs forces, le verre ne vibre pas. De toute façon, dehors, il n'y a rien. Enfin, rien à quoi l'œil ne puisse se raccrocher. L'aspect extérieur du bâtiment ne semble même pas exister. Et lorsque l'on plonge son regard dans les fenêtres on distingue l'espace, sombre et angoissant, parsemé d'étoiles. Débris de mémoire terrestre, le hall de gare glisse à travers l'espace et le temps comme un cathédrale peuplée de fantômes.
Parfois je me pose contre un mur, ou je m'assois sur les marches, et j'écoute penser ces malheureux prisonniers. Leurs interrogations sont lourdes et profondes, et leurs inquiétudes toujours vont à des êtres chers qu'ils ne peuvent oublier. Jamais ils ne me voient, ni même ne m'entendent, alors je les écoute en compagnon discret.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire