mercredi 14 octobre 2009

Petit

Quand j'étais petit, comme métier je voulais « faire restaurant », au moins on mange bien. Et puis ce doit être un peu comme vivre une grande occasion tous les jours, puisque lorsque j'allais au restaurant avec mes parents, c'était toujours un gros gros événement. L'expédition culinaire. L'aventure en couffin, et les mésaventure urinaire de ma petite sœur. Escalader les monts Formica de la brasserie du coin. Courir entre les tables. Des frites, je veux des frites ! Aujourd'hui, les restaurants mon quotidien, mon manque d'hygiène de vie... On y vient. Je ne suis plus mes parents. Je suis ce que mes parents ne voulaient pas que je sois. Je suis mes parents. Ou si peu. Je sais que je ne suis pas celui que les publicité prennent pour cible. Le soir quand je rentre en métro. Sur les panneaux d'affichage ils ont tous la même langue aux couleurs anglaises. Mais leur paroles sont en bois. Et les pieds de leurs mensonges sont en glaise. Fragiles. Et leurs phrases toutes faites sont en moi. Il ne me manque pour résister si peu d'esprit que j'y crois. Presque. Boulot terminé, décompression des boutons de mon manteau, ôter les boutons de manchette, ce n'est pas que je rentre tôt comme un mouton, juste que je rentre bête. Mettre les pieds sous cette table qui n'est pas la mienne. Dormir canapé, matelas qui sent la cave. Et l'hospitalité princière dont bénéficie l'animal déchu le fait descendre un temps de ses grands chevaux. Prostré entre la maison et l'étable. Je ne cours plus, j'observe l'autre. Et je ne dors plus, ou du moins, moins. Et comme je vois les choses de moins haut, demain me semble moins loin. Et comme je vois les choses de moins haut, j'aspire au débat. Au moins je m'implique. Plus. Moins fois moins, plus. On me voit moins de fois au téléphone mais je communique plus. Va comprendre. Là-bas, je n'ai plus de rythme de vie. Je n'ai plus de vie. Sociale. Que des visites. Et les mains de l'autre sont éléments anxiogènes. Où est ton tonneau, Diogène ? Que je m'écarte enfin de ta lumière pour effacer cette ombre au tableau. De cette grotte ou l'on m'accueille royalement dansent les ombres des philosophes qui me narguent. Oui, j'avance à tâtons, Platon. Oui, je tarde. Mais tachons de garder notre calme, je vais à mon rythme, ce rythme que je n'ai pas, ce rythme qui n'en est pas un. Demain je remettrais des habits à moitié propres, à moitié sales, et tout chiffonnés. Et une poignée de doigts glissés entre mes cheveux en guise de brosse. Et j'aurais quand même plus de classe que tous ces connards qui m'entourent. J'éviterai de trop regarder mon minois dans la glace, de peur que je m'y noie. Il ne faut point désormais que j'oublie tous ces moins qui me constituent. Tous ces moins qui sont moi. Je ne suis qu'un clochard. Aux charmes de passage. Un piètre original, au talent passable. Lorsque j'étais petit je voulais « faire restaurant » ; aujourd'hui je suis grand et je passe à table.

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